Le développement personnel se préoccupe aussi de l’harmonie collective !

Un livre récent pourfend la « mode » du bonheur atteignable par tous à la seule condition d’y mettre du sien et fustige les tenants du développement personnel qui oublieraient le collectif. Une critique réductrice et erronée.

A bas le bonheur ?

C’est le leitmotiv paradoxal de l’essai intitulé « Happycratie », paru en août dernier aux éditions Premier Parallèle. La sociologue Eva Illouz et le psychologue Edgar Cabanas y dénoncent l’injonction qui nous serait faite d’être heureux en toutes circonstances. Ils sont particulièrement critiques à l’égard des coachs qui pousseraient à la sérénité et la « réalisation de soi » dans la sphère privée et professionnelle, à travers la consommation de livres sur le développement personnel comme le prône notamment mon ouvrage publié chez Marabout « Les 7 lois du changement ».

Beaucoup jugent illusoire cette « mode » du bien-être car elle en ferait exclusivement une affaire de choix individuel : si vous souffrez, c’est parce que vous vous orientez mal, manquez de ténacité et d’adaptation à la vie familiale ou professionnelle telle qu’elle est. Une version contemporaine de la maxime de Chamfort, moraliste français du 18èmesiècle : « On trouve rarement le bonheur en soi, mais jamais ailleurs ». Tout dépendrait de son propre comportement, indépendamment des heurts et malheurs de l’existence ! Une position simpliste et surtout culpabilisante qui occulte l’oppression sociale, selon Eva Illouz et Edgar Cabanas.

La course à la compétition

Cette injonction du bonheur nous dissuaderait donc d’agir contre les injustices collectives et nous pousserait de surcroît à une compétition malsaine : dans mon environnement (hostile), suis-je capable plus que d’autres de garder bonne figure, de rester souriant, « zen » et détaché ? Une concurrence supplémentaire, une « extension du domaine de la lutte », pour reprendre l’expression de l’écrivain Michel Houellebecq ayant fait florès, qui alourdirait le stress déjà induit par l’accélération de la concurrence économique dans notre monde globalisé.

Cette charge correspond-elle à la réalité ? En vérité, le développement personnel n’est pas une discipline superficielle. Loin de là. Si certains conduisent leurs clients vers ce genre de simplification, les coachs bien formés et aguerris – de plus en plus nombreux – utilisent les travaux des chercheurs en sciences politiques.

Le poids du développement personnel est grandissant

Aujourd’hui, les multinationales ou des institutions comme l’ONU se penchent sans a priori idéologiques ou normatifs sur la question du bonheur public. L’assemblée new-yorkaise a même instauré en 2012 une Journée du bonheur (tous les 20 mars) à l’échelle planétaire, afin d’encourager ces travaux. La firme Coca-Cola a fondé un « Observatoire du bonheur » et on connaît l’engouement des grandes entreprises du numérique (les GAFA) à ce sujet. « L’homme augmenté » n’est pas seulement appelé à vivre plus longtemps en bonne santé. Il sera plus heureux. Ces recherches exponentielles depuis environ deux décennies sont notamment focalisées sur les « recettes » de pays où des statistiques précises mesurent une longévité exceptionnelle, la faible proportion de cancers, divorces, suicides, conduites addictives, etc.

Le petit Bhoutan, royaume bouddhiste de l’Himalaya, est souvent montré en exemple. La gouvernance, les rapports sociaux, l’organisation du travail y répondent à des objectifs de bienveillance inspirés de la tradition tibétaine. Et ces critères sont bel et bien collectifs !

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